LES PETITES ECOLES DE PORT-ROYAL
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Conçues en 1637, dissoutes en 1660, les petites écoles de Port-Royal ne formèrent jamais que très peu d’élèves ‒ 300 tout au plus ‒. On sait que Racine y fut éduqué et qu’il voulut être inhumé aux côtés de son maître, M. Hamon et comme les lettres ont toujours eu un grand retentissement en France, l’anecdote a fixé le souvenir.
La renommée qui entoura vite ces petites écoles inquiéta les jésuites. Ces religieux craignaient que l’on y inculquât une piété d’une tonalité différente de la leur : le « jansénisme », version austère du catholicisme. Jean Du Vergier de Hauranne, abbé de Saint-Cyran (1581-1643), introduisit cette doctrine venue de son ami Jansénius. Comme tout réformateur, Saint-Cyran portait un « projet pédagogique » mais il serait vain d’aller chercher l’expression de ce projet dans quelque manifeste; il faut en suivre les traces éparpillées dans un grand nombre d’écrits.
Sans avoir vraiment enseigné, Saint-Cyran était pédagogue d’instinct (Doc. 1). Selon lui, l’être humain est sans cesse guetté par le mal. Les enfants, en raison de leur faiblesse, doivent être préservés, mis à l’écart, surveillés constamment et placés sous la conduite d’hommes savants et pieux qui sont, au plein sens du terme, leurs instituteurs. Comme l’enseignement est une des formes de la charité, les maîtres doivent faire preuve à l’égard de leurs élèves d’une patience sans limite accompagnée d’une fermeté intransigeante. Aux petites écoles on ne connaissait qu’une punition : l’exclusion. De là une pédagogie d’une extrême rigueur qui se combinait à une extrême douceur. Cette conjonction peu commune n’a jamais cessé d’intriguer les historiens, les gens de lettres et les pédagogues. Les principes les écoles de Port-Royal se rattachent à ce qu’on pourrait appeler sans anachronisme le « personnalisme chrétien ». Un maître, savant théologien, historien ou linguiste, prenait sous sa responsabilité cinq ou six enfants soumis à un internat strict (Doc.2). Pas de classe comme chez les jésuites, pas d’enseignement collectif, mais des instructions de type préceptoral dispensées par des hommes exceptionnels parmi lesquels on relève les noms de Lancelot, de Le Maistre de Sacy, traducteur de la Bible, d’ Antoine Arnauld et de Nicole, tous deux auteurs de La logique ou l’art de penser.
Il n’y avait pas de programme d’études à Port-Royal. La chose même était inconcevable puisque le nœud de la relation pédagogique consistait dans le lien particulier de chaque maître à chaque élève. Port-Royal n’excluait pas le « divertissement honnête » des enfants : l’instruction par l’observation directe, par des entretiens particuliers et même par des jeux instructifs. On conçoit que l’empreinte laissée par les maîtres de ces petites écoles ait pu être ineffaçable, même si tous leurs élèves ne marchèrent pas sur les traces de leurs précepteurs.
L’expérience fut brève. On s’est demandé s’il pouvait en être autrement. N’était-ce pas un idéal trop élevé que de rassembler des hommes pieux et savants, de leur demander d’abandonner leurs études pour éduquer des enfants, de les former à toute sorte de disciplines et de leur inculquer la piété, le tout sur le mode personnel ? La prolongation d’un tel système en aurait sans doute montré l’ambition excessive. Le pape et le roi considérèrent les jansénistes comme des dissidents. L’autorité royale dispersa les petites écoles en 1656 d’abord, en 1660 définitivement. Il va sans dire que ces écoles n’étaient ouvertes qu’aux garçons. Les cisterciennes de Port-Royal admettaient des filles ; elles assuraient leur instruction en dehors de tout noviciat. Ce sujet est mal connu.
Textes originaux
Russie
Transcription
Principes théologiques et moraux de petites écoles de Port-Royal selon Saint-Cyran (août 1640)
Extraits de Jean Du Verger (sic) de Hauranne, abbé de Saint-Cyran, Lettres chrestiennes et spirituelles, Paris, 1647. 2e partie, p. 228-232.
Monsieur,
Puisque vous désirez avoir mon avis sur un sujet aussi important comme est celui dont il vous a plu me faire consulter, je vous dirai en peu de paroles ce qui m’en semble. Il faut témoigner à Dieu que l’on n’a point de plus grand désir pour ses enfants que celui de leur salut. C’est la première obligation et la première dévotion d’un père et d’une mère. Comme ils courent au baptême, ils doivent courir à l’éducation et tout ce que l’on fait pour les enfants sans cela attire la malédiction de Dieu sur le père et sur la mère… Nous le voyons en sainte Monique qui, par le grand soin et le grand zèle qu’elle a eus pour le salut de son fils1, a donné un maître à tout le monde et à l’Église son plus grand docteur….
La vraie piété consiste à faire ce que Dieu nous ordonne et non pas ce que nous choisissons. Et c’est pourquoi outre la parole de l’Apôtre2 que chacun sait, il dit au cinquième chapitre de la Ie [épître] à Timothée que la première bonne œuvre qui se doit considérer en la veuve est si elle a bien élevé ses enfants…
Il faut encore faire tout ce que l’on pourra pour empêcher que l’éducation des enfants ne tombe en mauvaise main et en mauvais lieu… Quoiqu’il y ait du péril à les retenir chez soi, toutefois il y en a souvent moins que de les envoyer ailleurs parce que les ayant chez soi, l’on pourra observer à leur égard ces trois paroles : Videte, vigilate et orate3 qui obligent d’avoir un regard perpétuel sur eux, ainsi que Dieu nous doit regarder et nous regarde, lorsqu’il lui plaît, en chaque action, pour nous empêcher de mal faire. Car quand il détourne tant soit peu les yeux de dessus les justes mêmes, ils se troublent aussitôt : d’où naît la nécessité de la vigilance et de l’oraison continuelle et le besoin que l’on a de pratiquer la même chose envers les enfants, les conduisant avec une pareille vigilance et douceur et quelquefois même en les priant au lieu de leur commander et s’accommodant un peu à leur humeur pour un temps afin de les rendre capables de n’avoir plus besoin à l’avenir de cette condescendance4 et d’entrer dans une voie meilleure et plus assurée…
Il faut seulement prendre garde d’user de cette condescendance avec beaucoup de circonspection et de détachement…, se souvenant toujours qu’il n’en faut pas demeurer là et que si on est contraint de s’abaisser avec eux, ce n’est que pour les pouvoir élever avec soi et les retirer peu à peu de leur bassesse et non pour contenter ses propres inclinations en suivant les leurs et s’entretenir avec eux dans la complaisance molle de la nature. Car il faut toujours avoir devant les yeux pour eux et pour soi-même la parole de Jésus-Christ qui nous commande à tous d’être parfaits comme notre Père céleste5.
Du Bois de Vincennes, en août 1640.
L’éducation : « Une tempête de l’esprit » (1er octobre 1641)
Extrait de la troisième lettre de Saint-Cyran à M. de Rebours dans Lettres chrestiennes et spirituelles de messire Jean du Verger (sic) de Hauranne, abbé de Saint-Cyran qui n’ont point encore été imprimées jusqu’à présent, seconde partie, s .l., 1744, 2 vol., t. II, p. 627-631.
[...] Quant à l’autre point de votre lettre qui regarde les enfants, je voudrais que vous pussiez lire dans mon cœur quelle est l’affection que je leur porte… Lorsque j’avais fait le dessein de bâtir une maison qui eût été comme un séminaire pour l’Église pour y conserver l’innocence des enfants, sans laquelle je reconnais tous les jours qu’il est difficile qu’ils deviennent bons clercs, je ne me proposais de le faire que pour six enfants que j’aurais choisis dans toute la ville de Paris…, et je leur voulais donner un maître tout exprès pour leur apprendre le latin et avec lui un bon prêtre pour régler et gouverner leur conscience. C’est M. S[inglin] et, pour le latin, quand celui que j’avais me manqua, je ne pensais leur donner qu’un homme de vingt ou vingt-cinq ans, sachant que les hommes d’un autre âge sont d’ordinaire peu propres pour apprendre les langues aux enfants. Ce dessein ayant été ruiné par ma prison6, je n’y ai plus songé…
Il est vrai qu’ayant ici trouvé un petit enfant d’une veuve pauvre qui paraissait avoir bon esprit, je l’ai peu à peu élevé dans ma chambre et une bourrasque7 l’en ayant chassé, je me suis trouvé obligé de lui continuer ma charité en l’envoyant à Port-Royal parce que sans cela il se fût perdu ici parmi les soldats8…
Je compris néanmoins que si les enfants se trouvaient indociles et peu susceptibles de la discipline, il serait en ma puissance de les renvoyer….
Quand vous n’auriez eu que cette fonction d’instruire les enfants qui est de soi si pénible que je n’ai presque pas vu d’homme sage qui ne s’en soit plaint et lassé pour le peu de temps qu’il y ait travaillé ; et ceux qui ont été les plus religieux dans l’ordre de saint Benoît on trouvé cette pénitence la plus dure de toutes, vous en pouvez lire la preuve dans la vie de saint Arsène9…Et pour moi, j’ai toujours estimé cette occupation si fâcheuse que je n’y ai jamais employé personne à qui Dieu n’eût donné ce don…
L’Apôtre10 fait un dénombrement de tous les dons gratuits du Saint-Esprit et dit qu’ils sont divisés dans les fidèles et que nul ne les a tous Mais je puis dire que le don d’instruire et conduire les enfants est un des plus rares et qu’on en peut dire ce que saint Grégoire dit du ministère pastoral, que c’est une tempête de l’esprit.
Du Bois de Vincennes, 1er octobre 1641.
Extraits du règlement les écoles du Chesnay par M. Wallon de Beaupuis, supérieur de cette étude (1653 ?)
Charles Hugues Le Febvre de Saint-Marc, Supplément au nécrologe de l’abbaye de Notre-Dame de Port-Royal des Champs, s. l., 1735, p. 51-58.
Ce règlement se rapporte aux petites écoles établies au Chesnay peu après le 18 octobre 1653. Charles Wallon de Beaupuis (1621-1709) en fut le directeur. Cette école du Chesnay fut fermée le 12 mars 1660 par décision de police.
Du lever.
Les plus grands se lèvent tous les jours à cinq heures et les plus petits à six. Comme ils se couchent dans une même chambre, chaque maître n’a pas de peine à éveiller les siens. Ils se lèvent promptement ‒ étant fort dangereux de s’accoutumer à la paresse ‒ à la première heure du jour. Ils se prosternent, à genoux aussitôt qu’ils sont levés, pour adorer Dieu. Après quoi, ils achèvent de s’habiller et se peignent en grand silence, étant bien raisonnable que leurs premières paroles soient des prières et des actions de grâces à Dieu pour les avoir conservés durant la nuit. Que si pourtant quelqu’un avait besoin d’aller à quelque nécessité, il en demandait tout bas la permission.
De la prière du matin.
A six heures, ils viennent tous se mettre à genoux devant le crucifix qui est dans la chambre et l’on fait la prière commune qui consiste à dire le Veni creator, le Pater, l’Ave, le Credo et ensuite Prime pour les grands qui demeurent tous debout pendant qu’on fait cette prière. Après qu’elle est achevée, chacun s’en retourne à sa table pour y étudier sa leçon et faire sa composition et ils y demeurent jusqu’à sept heures en grand silence. A sept heures, on vient dire sa leçon. Cela dure jusqu’à déjeuner.
Du déjeuner.
Ils déjeunent environ à huit heures. Durant ce temps qui dure une bonne demi heure, ils ont la liberté de s’entretenir tout hauts les uns avec les autres de ce qu’ils veulent ou de lire quelque histoire, de voir les cartes de géographie etc. Ils ne sortent pas néanmoins de la chambre. Durant l’hiver, ils sont auprès du feu. Après le déjeuner, chacun retourne à sa table en silence pour travailler à sa seconde leçon jusqu’à dix heures. Cette seconde leçon consiste pour les grands à dire par cœur leur leçon du (sic) grec qu’ils traduisent en français ou bien à lire leur composition latine. La leçon du grec était d’ordinaire de trois grandes pages de Plutarque in-folio le matin et autant l’après-dîner11 ; et pour les petits, elle consiste dans leur traduction de Tite-Live, Justin, Sévère-Sulpice, etc. Cette leçon dure jusqu’à onze heures qui est l’heure du dîner.
De la sainte messe.
Ils ne vont pas tous les jours à la messe, surtout les petits jusqu’à ce qu’ils soient assez sages pour cela. Car on prend bien garde qu’ils soient toujours fort modestes dans l’église et qu’ils ne tournent jamais la tête de côté et d’autre. L’on en envoie ordinairement deux pour y répondre, ce qu’ils font tour à tour. Comme ils font en cette occasion l’office des anges, on les exhorte de s’y tenir avec grand respect et d’assister à ce sacrifice non sanglant de Jésus-Christ, en mémoire de celui qu’il a offert pour nos péchés à son père sur le mont de (sic) de Calvaire. Si les plus grands y font quelque faute, on les reprend, d’autant plus qu’étant les plus avancés en âge, ils doivent aussi être les plus sages et édifier les autres par leur exemple.
De la prière avant le dîner.
A onze heures, ils s’assemblent tous dans l’une des chambres où l’on fait l’examen de sa conscience après avoir dit le Confiteor jusqu’à mea culpa. Après l’examen fait, on achève le reste avec l’oraison. L’un des grands dit par cœur une sentence latine tirée des Proverbes. L’on descend ensuite pour aller se laver les mains et entrer au réfectoire.
Du dîner.
Les enfants sont assis à côté et devant chacun de leur maître qui leur distribue ce qui a été servi après qu’ils ont mangé leur potage, chacun dans son écuelle particulière. On tâche de les accoutumer à n’affecter pas une délicatesse incommode et à manger toujours proprement. Durant le dîner, on lit toutes sortes d’histoires telles que sont celle des Juifs par Josèphe ; celle de l’Église par M. Godeau, celle de France, l’histoire romaine et autres semblables. Rien ne s’est trouvé être si utile et il est surprenant que des enfants qui sont appliqués à manger ne perdent presque rien de ce qui se lit. Les fêtes et les dimanches, on lit quelque livre de piété, tels que sont quelques-unes des belles traductions qu’on a faites, les instructions chrétiennes, les Confessions de saint Augustin et autres semblables.
De la récréation après le dîner.
Il y a toujours un des maîtres qui ne quitte pas de vue les enfants, mais sa présence ne les gêne nullement, parce qu’il leur donne une entière liberté de jouer aux jeux qu’il leur plaît choisir, ce qui se fait toujours avec modestie et beaucoup d’honnêteté. Comme l’enclos où ils demeuraient était fort spacieux, ils avaient à choisir leur promenade. L’été, durant la chaleur du jour, ils se promenaient ordinairement à l’ombre des allées du bois. En hiver, ils s’exerçaient à la course ou ils se retiraient dans une grande salle et, comme il y avait un beau billard, après s’être chauffés, les uns s’y arrêtaient, les autres aimaient mieux jouer au tric-trac, aux dames, aux échecs et aux cartes. Ces cartes étaient un certain jeu où l’on avait renfermé tout ce qui regarde l’histoire des six premiers siècles, c’est-à-dire le lieu et le temps auquel se sont tenus les principaux conciles, auquel ont vécu les papes, les empereurs, les grands saints, les auteurs profanes et auquel enfin se sont passées les choses les plus mémorables du monde. A force de jouer à ce petit jeu, la plupart s’était tellement imprimé dans l’esprit toutes ces choses… qu’il n’y avait pas de docteur qui en pût parler plus pertinemment.
L’on ne voyait jamais de disputes ni de contestations parmi eux, pour quoi que ce fût. On les avait tellement accoutumés à se prévenir d’honneur les uns les autres que jamais ils ne se tutoyaient et on ne les entendait non plus jamais dire la moindre parole qu’ils eussent pu juger devoir être désagréable à quelques-uns de leurs compagnons.
La récréation durait ordinairement une bonne heure et demie. Les jours de congé, on sortait hors l’enclos et l’on allait vers Marly, Versailles et Saint-Cyr. (L’on n’avait pas encore commencé à bâtir Versailles). Durant ces promenades, ces enfants s’entretenaient familièrement et gaiement avec Le Maistre de toutes sortes de choses… Après la récréation, ils venaient répéter alternativement ce qu’on avait lu de l’histoire ou l’on parlait de la géographie…
Enfin, en leur faisant passer leur jeunesse en ces sortes d’exercices, on travaillait à les mettre en état, quand ils seraient grands, de pouvoir rendre service à Dieu et au public.
Du retour dans la chambre l’après-dîner
En y entrant, ils faisaient une courte prière pour demander à Dieu la grâce de passer saintement le reste de la journée et pour les accoutumer à ne faire aucune action sans la commencer et la finir par la prière. S’étant remis chacun à sa table, ils commençaient à travailler. Les uns écrivaient leur exemple qui était toujours quelque sentence tirée de la Sainte Écriture et les autres copiaient leur glose de Virgile. Les autres enfin prévoyaient leurs leçons ou lisaient quelque bon livre. Cela durait jusqu’au goûter qu’on leur apportait réglément à trois heures. Il durait une grosse demi-heure pendant laquelle ils avaient encore la liberté de s’entretenir les uns avec les autres comme durant le déjeuner. Ce repas du goûter était jugé nécessaire aux petits, à cause de leur chaleur naturelle qui est plus grande. Les autres s’en passaient s’ils voulaient. A trois heures et demie, ils se remettaient tous à leur table pour étudier leurs leçons qu’on leur faisait dire depuis quatre heures jusqu’à six que l’on soupait. La récréation se faisait comme après le dîner.
En été, l’on prenait souvent occasion de s’entretenir durant ce temps avec les plus grands de quelque point d’histoire ou de quelques autres choses utiles pendant que les petits se divertissaient à de petits jeux. Cette récréation durait jusqu’à huit heures. Ils retournaient ensuite passer une bonne demi-heure dans la chambre pour prévenir ce qu’ils avaient à faire le lendemain matin.
Prière du soir.
La prière du soir se faisait à huit heures et demie et l’on y disait le Pater, l’Ave, le Credo, le Confiteor en latin, les litanies de la Vierge, Sub tuum præsidium12, etc. Et après avoir fait l’examen de conscience, chacun s’en retoPhrase ou mal construite ou mal transcrite. Le sens se laisse comprendre.urnait dans sa chambre en grand silence.
Du coucher.
Après avoir fait son acte d’adoration, chacun se déshabillait et se mettait au lit promptement et en silence. Ainsi, ils étaient tous couchés à neuf heures. Comme tous les exercices de la journée étaient de cette manière, tout à fait réglés et diversifiés, les enfants n’avaient pas le loisir de s’ennuyer…
Conduite pour les dimanches et les jours de fête.
Ils se levaient aussi à cinq heures suivant leur coutume. Après qu’ils s’étaient habillés on disait Prime. Après quoi, ils s’occupaient à lire en leur particulier quelques livres de piété jusqu’à ce qu’ils s’assemblassent pour aller tous au catéchisme, ce qui durait jusqu’à ce qu’on sonnât la messe. On leur faisait toujours apprendre par cœur deux ou trois articles du catéchisme13 de M. de Saint-Cyran qui est estimé un des meilleurs qui aient été faits. L’on commençait toujours par faire répéter aux petits ce qui avait été dit la dernière fois afin de le bien imprimer dans leur mémoire. On leur faisait toujours ouïr la grande messe de la paroisse, car il faut accoutumer de bonne heure les enfants de qualité à se soumettre à l’ordre qui a été établi dans l’Église et qui a été suivi durant une longue suite de siècles. Car ce n’est pas sanctifier le jour du dimanche que de ne penser qu’à se divertir et à faire bonne chère et des visites après avoir été entendre au plus vite une basse messe. Il faudrait encore ajouter ici la manière dont on leur faisait leurs leçons et les bonnes maximes de piété qu’on tâchait de leur inspirer. Mais comme on l’a déjà fait en partie dans les Règles de la bonne éducation des enfans, imprimées chez Michallet, cette répétition ne paraît pas nécessaire.
- 1
Saint Augustin, docteur de l’Église auquel les jansénistes reviennent sans cesse.
- 2
Saint-Cyran désigne par l’ « Apôtre », saint Paul, que l’Église appelle quelquefois l’apôtre des gentils. 1e épître aux Corinthiens, chapitre 12, versets 4-11.
- 3
Marc, chapitre 13, verset 33 : « Prenez garde à vous, veillez et priez. » (Traduction de Le Maistre de Sacy.)
- 4
Condescendre signifie au XVIIe siècle : « Se relâcher de ses droits, de son autorité, de ses prétentions envers quelqu’un. » (Littré).
- 5
Matthieu, chapitre 5, verset 48 : « Soyez donc, vous autres, parfaits comme votre Père céleste est parfait. » (Traduction de Le Maistre de Sacy.)
- 6
Saint-Cyran fut incarcéré à Vincennes du 14 mai 1638 au 6 février 1643.
- 7
Allusion au fait que les conditions de sa détention pouvaient se durcir au gré de ceux qui l’avaient emprisonné.
- 8
La France était engagée depuis 1635 dans la guerre de Trente Ans. Les gens de guerre causaient de graves désordres dans tout le pays.
- 9
Phrase ou mal construite ou mal transcrite. Le sens se laisse comprendre.
- 10
V. sup. note 3. On lit l’énumération des dons de l’Esprit dans la1e épître aux Corinthiens, chapitre 12, versets 4-11.
- 11
Une pareille prouesse intellectuelle paraît difficilement concevable.
- 12
Antienne mariale composée au IIIe siècle. « Sous l’abri de ta miséricorde… »
- 13
Théologie familière, 1e édition, Paris 1642.
Pistes bibliographiques
Frédéric Delforge, Les petites écoles de Port-Royal, 1637-1660, Paris, 1985.
Françoise Hildesheimer, Le jansénisme en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, 1991.
Jean Lesaulnier, Antony Mc Kenna, Dictionnaire de Port-Royal, Paris, 2004.
Laurence Plazenet, Port-Royal, Paris, 2012.
Alfred Vacant, Eugène Mangenot, Dictionnaire de théologie catholique, t. 8, première partie, article « jansénisme », Paris, 1924.