L’ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS EN BEARN RETABLI PAR LA JUSTICE, 27 MARS 1764
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Présentation
L’usage du gascon béarnais dans l’enseignement dispensé au cœur des petites écoles qui sont placées sous l’autorité de l’Eglise fait l’objet de tensions en Béarn depuis la « recatholicisation »de la province consécutive à la révocation de l’édit de Nantes.
Dans le diocèse d’Oloron, l’évêque Joseph de Revol (1663-1739) diffuse en 1706 son catéchisme traduit en gascon par Pierre de Lailhacar, curé de Legugnon (Cateixisme a l'usadge deu Diocese d'Aulorou). Son petit-neveu François (1716-1783) qui arrive à la tête du diocèse en 1742 remanie le texte en 1743 et en impose la diffusion dans toutes les paroisses béarnaises du diocèse. L’évêque, d’une famille d’origine dauphinoise, est très attaché à l’histoire et aux traditions du Béarn et de l’église : il commande par exemple des fouilles archéologiques à la cathédrale Sainte-Marie d’Oloron pour retrouver le tombeau du premier évêque du Haut Moyen Age. Il encadre l’enseignement religieux avec la publication en 1753 de ses Ordonnances synodales et règlemens du diocèse. En 1766, paraissent également sous son égide les Cantiques spirituels partiellement édités en gascon.
Dans le cadre de la lutte contre le jansénisme et les relents d’hérésie calviniste, le diocèse encourage ainsi le clergé et les communautés de villages dont dépendent les régents des écoles à user de la langue «naturelle » pour la transmission de l’enseignement de la foi au plus près des paroissiens basques et béarnaises qui ont très peu de pratique du français.
Depuis le milieu du siècle, à la différence de la partie basque, les résistances se font sentir dans les villages béarnais du diocèse pour exiger l’enseignement du français dans les écoles élémentaires. Les jurats des communautés pensent que la priorité doit être accordée à l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et de l’arithmétique qui doit se faire en français et que l’enseignement du cathéchisme doit être donné dans la même langue. Les habitants n’hésitent pas à saisir les autorités civiles. En 1764 à Gurs, le sindic de la communauté s’oppose au curé et l’école est fermée, l’affaire est portée devant le parlement de Navarre qui donne raison au village contre le curé et son évêque : l’école est réouverte, l’enseignement se fera en français, le curé, condamné aux dépens, est par ailleurs menacé de prise de corps.
L’évêque consulte l’agence générale du clergé qui lui conseille d’apaiser le conflit qui a pris un mauvais tour : « « Sur cet objet le meilleur party que vous ayez à prendre est de vous transporter en personne à Gurs et lorsque vous aurez examiné la connoissance qu’ont les enfans de la langue françoise, si vous trouvez qu’il ne la sçachent pas assés pour apprendre le cathéchisme dans cette langue, de rendre une ordonnance qui portera que l’instruction se fera désormais aux enfans en bearnois1.»
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Arch. nat. G8 * 2597 n° 193
Transcription
Jugement du parlement de Navarre du 27 mars 1764
AD Pyrénées-Atlantiques B 4922 fol. 91
Monsieur de Doat et les autres memes juges.
Entre le nommé Plaisance, sindicq des habitans du lieu de Gurs, demendeur d’une part, le sieur Lassalle, curé dud. lieu, deffendeur et demendeur d’autre, le procureur general du roy concluant d’autre Lapassade, sous la distribution faite au sieur Dombidau fils, conseiller ouy son raport et le tout veu, dit acté que la cour renvoye les parties a l’audiance au principal, cependant par provision disant droit de la requisition du procureur general du roy,
Ordonne que les ecoles seront retablies et que l’instruction sera faite en langue françoise en conformité de l’usage des trois et dix dernieres années ; depens reservez, sauf ceux du present arret qui seront payés par le led. Lassalle, curé
Pistes bibliographiques
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Louis Soulice, Statistique de l’ignorance dans le département des Basses-Pyrénées, Pau, 1873.